Comment peut-on expliquer donc que dans la plupart des pays membres des zones communautaires CFA (UEMOA et CEMAC) les gouvernants en sont arrivés massivement sur 50 ans de dictatures à renflouer d’énormes comptes bancaires personnels à l’étranger et à y acquérir et posséder des biens immobiliers de classes royales. Les exemples précis des Bongo, des Nguesso, des Bya, des Nguema, les Gnassingbe … sont évidents. Comment expliquer cela malgré la vertu de gestion communautaire rigoureuse du CFA ?
Les détournements, trafics de devises et autres actes délictueux de Chefs d’État sont possibles dans tous les modèles que ce soit celui du franc CFA ou celui des monnaies à envergure nationale comme le cedi, naira et compagnies. C’est toutefois un peu plus compliqué et surtout moins discret dans les pays émetteurs de francs CFA où la traçabilité des opérations est bien plus au point que dans les zones cedi, naira et consort. C’est grosso modo pourquoi les Chefs d’État crapuleux, souvent cités en zone émettrice de francs CFA, sont plus facilement confondus avec des preuves que les autres.
En zone émettrice de monnaie inconvertible par contre, un Sani Abacha par exemple, le crapuleux défunt président putschiste du Nigéria, a pu donner et donne encore du fil à retordre aux enquêteurs internationaux pour reconstituer le produit de son grand banditisme d’état et surtout réunir les preuves pour ramener ce qu’il a détourné dans le giron des pouvoirs publics nigérians. C’est aussi le cas de Joseph Désiré Mobutu, devenu Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga, (une fantasmagorie d’état-civil), qui n’y est pas allé de mains mortes dans le pillage, le gaspillage et le vol de ressources publiques et finalement, dans la destruction du signe monétaire zaïre (ancêtre de l’actuel franc congolais) ; le zaïre-monnaie fut une des rares et belles réussites originelles du dictateur putschiste Mobutu et qui était bien parti comme unité monétaire ferment d’unité nationale.
Les cas de gestion indélicate de la monnaie et des changes sont légion dans les pays africains au sud du Sahara émetteurs de monnaie inconvertible : la modeste Gambie du fantasque voleur Yaya Jammeh, la Guinée-Conakry d’un Colonel Lansana Conté des plus corrompus, l’Angola de feu Dos Santos et famille pourris de deniers publics, l’Ouganda du grotesque personnage doublé de sanguinaire Idi Amin Dada etc. et le compte n’y est pas encore.
C’est ainsi plus facile chez les émetteurs de monnaie inconvertible (pêle-mêle République Démocratique du Congo, Nigéria, Ghana, Guinée-Conakry, Mauritanie, Ouganda, Kenya etc., etc.) de donner des ordres, de falsifier ou de faire falsifier et de cacher plus longtemps que chez les émetteurs de francs CFA. Tout laisse croire que les Chefs d’État et leur entourage volent davantage et de manière effrontée dans les zones émettrices de monnaies inconvertibles que chez les émetteurs de franc CFA : c’est en effet plus facile car toutes les chaines de décision sont locales et entre leurs mains.
In fine, un régime de monnaie inconvertible (cedi, naira, franc guinéen, zaïre ou franc congolais etc.) donne une image de parapluie protecteur de réserves de change : en réalité, c’est bien ce qu’il est, c.à.d. un système de préservation absolue de réserves de change. Mais en Afrique au sud du Sahara, ce régime est dévoyé et au service de gouvernants indélicats qui font tourner la planche à billets, sous le couvert de “crédit au trésor national”, pour se servir et desservir les réserves de change.
Voilà comment l’indépendance et la souveraineté monétaires des panafricanistes les plus en vue sont commercialisées à des fins de prédation par des dirigeants véreux dans les zones émettrices de monnaies inconvertibles au sud du Sahara. Ceux-là peuvent faire leur cynique propagande mais difficilement critiquer le modèle du franc CFA et lui reprocher un quelconque manque d’indépendance et de souveraineté.
Vilévo DEVO