Cette question relève d’une grande et brutale banalité s’il s’agit de répondre que le Président Mohamed Bazoum est aux mains de ceux qui ont renversé son régime et projettent de le juger, ironie du sort, pour forfaiture.
Que Bazoum soit dans le pétrin, comme ceux qui sont chassés des ors de la république pour retrouver un quotidien dépourvu d’honneurs à sa majesté, est à déplorer hautement ; surtout que dans son cas, le Chef de l’État, Chef des armées est déchu par celui-là même qui est chargé par la République de la sécurité du Président. Que sa situation de Président déchu entraine par ailleurs un méli-mélo inextricable pour le Niger et déborde du cadre nigérien peut se comprendre. Il y a toutefois une ligne rouge qui n’aurait pas dû être franchie mais qui l’est depuis peu : c’est celle consistant à clamer urbi et orbi un irraisonné “Bazoum Président quoi qu’il en coûte, sinon…”. Elle matérialise les egos de ceux qui ont crié précipitamment un haro va-t’en guerre sur les putschistes davantage qu’elle n’indique les voies d’une sagesse africaine dépourvue de susceptibilité.
Et pourtant, il suffit que Bazoum, au nom de l’unité nationale, jette volontairement mais de manière négociée l’éponge et fasse ouvertement allégeance aux nouvelles autorités avec un discours public, même insincère, mais bien à propos, pour qu’il y ait un clap de fin à la regrettable situation que vivent le Niger et la sous-région.
Bazoum, ses pairs, du moins certains, le considèrent toujours comme légitime Chef de l’État du Niger et font de son retour aux affaires une condition sine qua non. Position de principe certes, mais qui se drape d’une générosité toxique pour la sous-région vu la situation délétère qu’elle engendre. Au demeurant, elle est tout sauf sage aujourd’hui : elle est surtout notoirement contre-productive. L’autre réalité est que Bazoum est par la force des évènements un citoyen en grande détresse à qui il faut prêter assistance pour qu’il retrouve, avec sa famille, la liberté et un confort de vie. C’est là surtout que se trouvent l’urgence politique et morale et la raison d’un opportunisme constructif.
La situation politique grippée au Niger, dont les conséquences économiques et diplomatiques prennent des allures de désastres gratuits, suscite de profondes inquiétudes à propos du vivre ensemble qu’incarne la Communauté Économique Des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) d’une part et d’autre part, en raison de son impact sur la crédibilité fragmentée de l’organisation sous-régionale et les relations bilatérales entre Chefs d’État.
La Cedeao, qui déborde d’instructions négatives sur l’Union monétaire ouest africaine (Umoa), est aussi ce qui inquiète le plus. À ce propos et avec du recul, le coup d’État écartant Bazoum du pouvoir a été traité à la va-vite, de manière épidermique, avec désinvolture et continue de l’être par une Cedeao qui, depuis les évènements similaires du Mali, portant Assimi Goïta au pouvoir, embarque l’Umoa et ses bras techniques que sont la Bceao et la Boad dans une aventure aussi inappropriée que pénible. Que la Cedeao soit bloquée dans son fonctionnement passe encore : elle est aussi utile qu’une belle dame sans emploi. Idem pour l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) et sa Commission. Mais l’Umoa, qu’il ne faut absolument pas confondre avec l’Uemoa, sa banque centrale et respectable vieille dame, son vivre ensemble au quotidien, intégrateur, monétaire, solidaire, fragile…, ses dispositions oblatives etc…! C’est effroyable que cette Cedeao, incapable d’offre et de signe monétaires depuis 40 ans, comme qui cherche une aiguille dans une botte de foin, abuse de l’Umoa en caverne d’Ali Baba pour solutionner ses problèmes.
Le minimum qui puisse être écrit est que le cas Bazoum est en train de faire déborder abondamment le vase de la déliquescence politique de la Cedeao sur l’Umoa sans qu’aucun Chef d’État ne prenne l’initiative de limiter les casses en demandant à la Commission de la Cedeao d’inventer ses propres solutions de sortie de crises. Bazoum ou un tout autre Président déchu ou l’Umoa ? Incontestablement l’Umoa.
Limiter les casses, c’est simplement retrouver et respecter l’intégrité du Traité de l’Umoa et des Statuts de la Bceao en cessant d’en faire des textes de second rang et subséquents au Traité de la Cedeao.
Vilévo DEVO