Les transhumants politiques sont de cette race de politiciens qui militent un pied dans le Parti et un autre en dehors de ses valeurs fondatrices, la conviction et l’engagement en clair-obscur ou à géométrie variable, prêts à dégainer de quoi accuser leur entourage de tous les maux de la terre pour rejoindre le camp adverse, généralement celui des tenants du pouvoir. Lassés par le temps qui passe sans rien apporter de probant à leur CV, en quête d’opportunité à saisir pour une place au soleil que seuls offrent les tenants du pouvoir, la fidélité en jachère, le chantage en moteur de recherche de comment trahir leurs compagnons de lutte pour filer droit dans le camp d’en face …, les transhumants politiques ne manquent pas d’argumentaire, ni d’argutie, ni de malveillance pour roucouler d’abord sous cape puis à découvert en mode coming-out avec les ennemis d’hier.
Un coming-out est forcément spectaculaire et incendiaire, sinon il n’en est pas un et celui d’un politique qui s’avoue mouton de circonstance et transhume, seul ou avec des brebis, en quête de verts pâturages, n’échappe pas à la règle. Spectaculaire et incendiaire, le transhumant politique n’a pas toujours conscience que son coming-out de politicien retors est l’expression de sa précarité intellectuelle, de la fragilité de ses convictions originelles et de l’effritement de ses engagements à l’épreuve du temps. Il exploite à fond des difficultés relationnelles parfois avérées, une cohésion de groupe en fragilité saisonnière voire des dysfonctionnements quelconques ou moult prétextes pour s’éloigner inélégamment du collectif sans toutefois dire fontaine je ne boirai plus de ton eau : question de laisser entr’ouverte une porte que forcément ses ex compagnons lui claqueront au nez une fois sa traitrise mise à nu.
Le transhumant oublie que seul le silence est grand, tout le reste n’étant que faiblesse comme dirait Alfred de Vigny (1797 – 1863) ; il est volubile en propos faussement disculpatoires, se fait à la fois pyromane et pompier, victime, suspect et procureur pour réussir un parfait imbroglio duquel personne, ni lui ni ses ex compagnons, ne sort véritablement gagnant sinon que tout le monde en survit écorné.
Le transhumant n’est ni le bouffon du roi, ni l’idiot de service se faisant remarquer du souverain, mais simplement un sans foi ni loi qui boit à tous les râteliers pour étancher sa soif de visibilité et parfois de réussite. C’est un vilain petit canard ou une toxique belle cane qu’aussi bien le Calife que les contempteurs du Calife observent avec une étonnante curiosité intéressée, puis évaluent discrètement mais non sans discernement, notamment sur sa propension à la traitrise. Personne ne doute de l’extrême précarité de ses convictions et parfois de son dénuement financier, ni le Calife ni les contempteurs du Calife. Le transhumant, tant de gauche que de droite, opposant, composant ou décomposant, n’a que faire des vertus du multipartisme mais reste bien accroché à ses intérêts personnels.
Un transhumant politique, ça change de camp comme ça change de veste. Ça milite sans conviction, le cœur pétri d’opportunisme. Dès la plus prochaine occasion, il fait signe au Cheminot en chef qu’est le Chef de l’État qu’il aimerait bien être de son aventure, las d’être de ceux qui apparemment ne seront jamais de si tôt aux commandes du train. Qu’importe, en décrochant ce qui honore son CV et ses intérêts personnels, il se fout de semer incompréhension, discorde et zizanie au sein de la classe politique qui jusque-là était la sienne. Le transhumant vocifère multipartisme mais vit le Parti unique dans l’âme pour avoir perdu toute raison de croire possible une alternance de régime dans un modèle démocratique de jure mais totalement partial et atypique comme celui du Togo.
Le transhumant politique est un subtil pervers de la scène politique, doublé d’un narcissique primaire, un acteur toxique pour la démocratie et in fine, un poison pour le vert pâturage du multipartisme.
Vilévo DEVO
« TAMPA EXPRESS » numéro 0066 du 25 septembre 2024