La Ve République togolaise (Constitution 2024) a fait couler beaucoup d’encre de réprobation des conditions de sa survenance à tout le moins controversées ; elle en fera certainement couler encore au fil des contredits, polémiques et incongruités en tous genres que ne manqueront pas de susciter ses effets prévisibles sur le secteur et la vie politiques. En production, elle pourra difficilement se défaire de problèmes d’ordre éthique, moral et juridique. Les lignes qui suivent examinent son impact particulier sur le phénomène, aussi singulier qu’équivoque, de la transhumance en politique et plus général, sur le fragile secteur politique togolais.
La transhumance en politique est, en français facile, le fait de rejoindre le camp du Président de la République, Chef de l’État, Gardien de la Constitution, après s’être publiquement et sans circonlocution prévalu de l’opposition politique ou syndicale à son régime. Elle peut être encouragée indûment, insidieusement et avec ruse ou incidemment via des dispositions constitutionnelles et des textes subséquents suffisamment liberticides qui entravent la construction d’un solide secteur politique, pluriel, compétitif et riche en ressources distinctives. Elle l’est au demeurant en raison de l’équation irrésolue, dans les pays derniers de la classe, d’une nécessaire séparation des pouvoirs régaliens et celle, tout aussi irrésolue, du secteur des médias et de la communication, quasiment confronté aux mêmes travers d’enrégimentement que le secteur politique.
La Ve République togolaise, de ce qui précède, a les moyens d’organiser un tremplin pour ceux qui, partis politiques comme personnes physiques ressources, ont des scrupules pour transhumer en l’absence d’une autoroute sans péage. Elle dispose à cet égard, à travers l’arme-clé d’un Président du Conseil au mandat politique, administratif et financier sans borne et sans contrainte temporelle, de quoi accueillir à foison des transhumants qui ont pleinement conscience qu’émarger en tant que forces politiques alternatives s’avère chronophage et d’une stérilité ruineuse à maints égards au Togo. Elle a par ailleurs, via une infinité de possibilités de coalition opportuniste et de moyens tangibles, tout pour désarticuler les mouvements et partis politiques de l’opposition, appelés à flouter leurs valeurs fondatrices par des prises de positions ambigües pro coalition gouvernementale, puis à adjurer pour demeurer fréquentables, pour finir par abjurer tellement les règles, us et coutumes du secteur et de la vie politiques au Togo les y obligent. Des désoeuvrés de conviction, des gorgés d’ambitions en tous genres, personnes morales comme personnes physiques, la Ve République togolaise devrait en produire ou en entretenir à bas bruit.
Ce faisant, la Ve République togolaise ne manquera pas de condamner à l’échafaud une opposition parlementaire qui frétille déjà sur les berges du ruisselet démocratique togolais, comme la pauvre truite au bout de l’hameçon mise en chanson par Franz Schubert (1797-1828). Ceci est d’une évidence euclidienne, l’opposition togolaise étant aujourd’hui aussi plurielle que mutilée, aussi éparse que diluée, aussi riche en n’importe quoi que pauvre en moyen tangible et vision unitaire.
L’opposition togolaise est en effet lourdement handicapée, à bien de points de vue par les textes et pratiques en vigueur, en déficit de réformes utiles, et dans les faits, dommageablement dépourvue de l’objectif univoque de toute opposition politique de renverser le pouvoir en place. Il ne serait pas exagéré d’affirmer péremptoire qu’elle n’existe et ne se consolide qu’en Parti politique charnière et transhumant potentiel : en d’autres termes, une opposition de conquête qui s’étiole au profit d’une opposition de collaboration. À en juger par sa propension à adouber son organe phare, en substance la Présidence du Conseil, la Ve République togolaise ne se soucie guère de ce qui entrave la construction d’un solide secteur politique et syndical, pluriel, compétitif, riche en ressources distinctives et contribuant au développement socioéconomique.
Dans un tel contexte, un bien nommé Chef de l’Opposition parlementaire arbore un statut faussement attractif, visible sur mesure, bien pensé et bien empaqueté par les tenants du pouvoir pour être dépourvu de ridicule : il demeure néanmoins dans un parfait rôle de pantin
politique. Visible sur mesure, le Chef de l’Opposition parlementaire fait symétrie de compromis opposition/majorité et asymétrie de compromission d’une opposition étouffée au Parlement par tous les moyens régaliens comme elle l’est d’évidence depuis mathusalem hors du Parlement. In fine, un Chef de l’Opposition parlementaire au Togo est à ses dépens et de fait un transhumant de plus. Cherchez alors l’Opposition parlementaire version Ve République togolaise : elle a le visage du dépité, dont les contredits ne forcent aucun respect, et ses animateurs, députés de jure, ont celui de l’amertume d’être toujours si proches et si loin à la fois du pouvoir d’État.
La Constitution togolaise de 2024 dispose sans conteste de ressorts pour exhorter les ressources distinctives du poussif secteur politique du pays à une transhumance silencieuse en direction des verts pâturages monocolores des éternels tenants du pouvoir d’État, au demeurant ses rédacteurs et promoteurs exclusifs ; de tels ressorts les y exhortent, non sans préalablement les confronter rudement au choix cornélien entre adhésion à une vision nouvelle de la gouvernance publique et reniement de pratiques inconstitutionnelles et abjectes, entre allégeance renouvelée à un régime soixantenaire et rejet d’un système de faits accomplis. Ipso facto, ce choix cornélien met en balance opportunisme et vertu, soit un gros dilemme entre perspectives de carrière dans les plus hautes et motivantes fonctions publiques comme privées et désœuvrement, sinon frustration de fonctionnaire ou d’opérateur économique au mieux ignoré, au pire méprisé voire persécuté par les tenants du pouvoir d’État.
Au final, les sirènes d’une transhumance apaisée en politique sont bien audibles dans la Ve République togolaise ; elles constituent la principale innovation et note sonore de son secteur politique, au corpus exubérant de facilités pour les tenants du pouvoir d’État et d’écueils pour les forces politiques et syndicales alternatives.
Vilévo DEVO
« TAMPA EXPRESS » numéro 0069 du 07 février 2025
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