Les critères de convergence macroéconomique sont une belle trouvaille, à l’usage malheureusement galvaudé au fil des années en Afrique : si galvaudé qu’ils semblent d’utilité diffuse. Et pourtant !
Critères de convergence en vue d’un projet de vivre ensemble monétaire. Sans convergence macroéconomique notamment, les écarts de taux de change peuvent être tels que le ticket d’entrée dans une union monétaire ou, plus simple, de création d’une monnaie commune ou unique comme l’Eco-Cedeao attendue depuis quarante ans, pourrait s’avérer “hors de prix” pour certains pays et source d’émeutes de la faim. Concrètement, même le puissant Nigéria, dont le cours du naira la monnaie nationale est totalement à plat, s’il entre aujourd’hui en Zone Franc CFA sans convergence, va ruiner complètement une partie importante de sa population après les échanges de billets qui ne vont offrir que des miettes de Franc CFA contre des milliers de Naira : les revenus vont s’effondrer au Nigéria après conversion, conséquence d’une absence de convergence des taux de change Naira/ Franc CFA vers la parité.
Sur l’exemple qui précède, toutes choses égales par ailleurs, beaucoup de nairas, la monnaie nigériane, ne représentent presque rien en termes de revenu une fois convertis dans la monnaie unique Eco-Cedeao, à l’opposé du Franc CFA : c’est aussi simple. Les autorités nigérianes, en substance les fonctionnaires de la Banque Centrale du Nigéria et du Ministère de l’économie et des finances, conscientes de ce moment de vérité où il faut bien convenir d’un prix d’échange des signes monétaires émis chacun de leur côté par les États-parties à la monnaie unique ou commune de la Cedeao, rusent et abusent de subterfuges, de dilatoires et bien évidemment de mensonges d’État pour organiser une fuite en avant ; cette fuite consiste généralement à accuser les émetteurs de Franc CFA d’être des suppôts de la France néocoloniale, à inventer des accusations des plus farfelues sans aucun rapport avec la science monétaire, à soutenir des polémiques populistes d’acronyme Eco qui n’ont rien à voir avec les fondamentaux d’un vivre ensemble monétaire et à s’enfermer dans une bulle d’égo politique.
La situation du Nigéria monétaire qui, _sans convergence macroéconomique_, va ruiner complètement une partie importante de sa population après des échanges de billets Naira en monnaie unique Eco, est, toute rhétorique savante mise de côté, celle de tous les pays anglophones de la sous-région ouest africaine et de la Guinée-Conakry. Seul le Cap-Vert, signataire d’un accord monétaire avec la zone euro, échappe à ce préoccupant mais réel constat.
Une convergence macroéconomique est donc nécessaire en phase préparatoire au lancement d’une monnaie unique voire à l’avènement d’une monnaie commune ; elle a besoin de critères dont l’observation et l’atteinte impactent positivement les taux de change des signes monétaires de droit national des futurs États-parties. Les taux de change devraient évoluer à tout le moins vers la parité aux fins de préserver les revenus des populations, notamment les plus vulnérables, à l’issue du changement fiduciaire ou scriptural de signes monétaires.
À l’image des Naira du Nigéria, Cedi du Ghana, Franc Guinéen, pour ne citer que ces signes monétaires parmi les monnaies de singe qui pullulent dans la sous-région ouest africaine, les monnaies nationales ouest africaines dévissent sans cesse depuis au moins quarante ans des suites de mal gouvernance et de corruption essentiellement ; alors, tous les politiques et opérateurs économiques qui comptent dans ces pays au demeurant immensément riches, mais à la souveraineté monétaire fantoche, font de la monnaie unique Cedeao davantage un sujet de conversation savante qu’un objectif important. Ils se fichent pas mal du naufrage du pouvoir d’achat des populations locales parmi les plus vulnérables ; contrairement aux apparences, ils ont peu d’empathie pour une monnaie unique Cedeao qui les priverait de dumping et de subventions indirectes au taux de change … Alors, ils freinent des quatre fers l’avènement d’une Cedeao monétaire tout en faisant mine d’imputer la responsabilité de quatre décennies d’échecs à l’Union monétaire ouest africaine (Umoa), à son signe monétaire, dont le taux de change est fixe par rapport à l’euro, et à son système monétaire pourtant gagnant mais coupable d’être néocolonial (sic).
Intra Umoa en effet, le signe monétaire étant le même pour tous, il n’y a plus de contrainte de change : donc plus de risque de perte de change, ni de risque d’inconvertibilité, ni de perverses concurrences déloyales, ni de subventions indirectes au taux de change, ni d’obscènes dévoiements de réglementation des changes etc. entre partenaires au vivre ensemble monétaire. Dans le contexte d’une Union monétaire déjà opérationnelle, l’objet des critères de convergence est sérieusement dilué au point de revêtir un caractère consultatif, voire un sujet à palabres politiques.
L’Umoa se trouve être une _union monétaire solidaire_ en raison principalement de la mutualisation intégrale des réserves officielles de change des États-parties ; or au sein d’une union, tout critère de convergence macroéconomique est un appel indu à un effort de production et de bien-être, chacun selon ses moyens, sur des bases de proportionnalité et de subsidiarité.
La proportionnalité introduit un premier biais défavorable aux membres pour lesquels l’Union monétaire convoque la solidarité. La solidarité joue difficilement quand les efforts sont répartis sur une base relative car ceci revient à imposer mutatis mutandis les mêmes efforts d’un pays à l’autre.
La subsidiarité introduit à son tour un second biais favorable aux pays les mieux nantis de l’Union pour lesquels les autres sont des marchés. La subsidiarité met en compétition à armes inégales.
In fine, une union monétaire a besoin en son sein d’outils de convergence macro-économique, inclusifs d’institutions de convergence qui sont parfois à inventer, et non de critères de convergence. Il faudrait, macro-économiquement s’entend, un corpus dédié qui accompagne vertement les États parties les moins bien nantis : par exemple des facilités de tous ordres pour les États-parties les moins avancés, moins de compétition inter États, une offre de monnaie plus avantageuse pour les États-parties les moins avancés etc.
Les critères de convergence macroéconomique entre États n’ont en définitive pas la même finalité pour ceux qui sont déjà parties à une zone émettrice de signe monétaire générique d’une part et d’autre part, pour ceux qui n’en sont qu’aspirants.
Vilévo DEVO
« TAMPA EXPRESS » numéro 0061 du 26 juillet 2024