Loïc Lawson et Anani Sossou, encore deux journalistes emprisonnés au Togo juste pour des publications « erronées » sur les réseaux sociaux. Certainement qu’on les aurait foncondu (confondu) aux voleurs en série. Et malheureusement la désunion liée à diverses compromissions n’a pu fédérer la corporation pour leur apporter un soutien à la taille des exigences de l’heure. C’est ça que Rudyard Kipling dans « Le Livre de la jungle » désigne par ces expressions qui sont biens connues de tous : « chacun pour soi », « tout est permis », « survie du plus apte », « loi du plus fort ». Il est très fréquent et ahurissant ces derniers temps en Afrique, un peu moins ailleurs, d’entendre des scandales et crimes contre la République.
Tantôt c’est l’argent du contribuable qui a été massivement détourné ; cet argent qui aurait servi à faire reculer ne serait-ce que d’un centimètre Dame Pauvreté qu’aucun politique ne veut d’ailleurs réellement éloigner. Tantôt, c’est une forte cargaison de cartons remplis de billets de banque que l’on découvre ” fortuitement” au domicile d’un serviteur de la République. Le plus inquiétant, c’est que l’on ne puisse pas, comme souvent, réussir à établir, même dans les rêves les plus lointains un début de lien entre l’objet et la finalité. À quoi servent des fonds détournés ? D’où proviennent les fonds énormes que le prétendu hasard fait découvrir par moment chez des personnalités publiques ? Comme si le hasard existait. En temps normal, la République a besoin des réponses sérieuses à ces questions qui ne sont pas que deux. Sinon qu’est-ce qui se passe dans la tête de ceux qui détournent des biens publics, ou qui en recèlent ? Pendant que l’Afrique plombe de plus en plus sous la dette publique ; pendant que le contribuable croupit au quotidien sous une demie vie ; dans le contribuable, il y a aussi celui qui a fini par rejoindre pour sauver sa vie la grande famille de la Diaspora ; oui, ceux qui ont été pourchassés du pays, mais qui continuent pour Dieu seul sait quel motif d’envoyer de l’argent de leurs sueurs froides, de leurs éternelles privations, de leurs indignes souffrances au pays. Ces réponses qui nous sont si chères nous sont pourtant régulièrement volées, par ceux-là mêmes qui nous ont volé nos rêves, notre dignité, notre avenir, notre argent, ceux qui ont sciemment fait de nous ceux qu’ils appellent des cancres, des médiocres. Pire, ils font disparaître et ces vérités essentielles et ceux qui les révèlent à l’opinion publique. Ils engloutissent les voix discordantes, aux fins de tenter de calmer un tant soit peu les flammes voraces de leur conscience meurtrie et ensanglantée. Pour combien de temps ? Ils ne le sauront pas.
À vouloir examiner de plus près les intentions et motivations diverses de chacun d’eux, on en a le tournis. Chacun de ces criminels aux cols blancs compte sur son dieu pour le protéger, le secourir, lui faire échapper à son propre karma qu’il s’est lui-même librement créé. D’où cette impérieuse nécessité de destituer ces ” dieux délinquants ” (roman) sur qui chacun compte pour trahir cette Afrique. Ce dieu porte essentiellement trois casquettes : la religion, la fausse influence populaire, l’allégeance à un régime politique.
Il faut destituer le dieu de la religion qui couvre les serviteurs indélicats de la République auteurs de crimes. Les croyances, les pratiques, les pouvoirs n’existent que pour ceux qui y adhèrent. La République laïque en temps normal n’en a cure. Il faut destituer le dieu qui constitue ces masses dites populaires, prétendues souveraines, en réalité corporatistes, qui soutiennent avec des discours à la limite nauséabonds ceux qu’elles présentent comme étant leurs fils, or en réalité fils et esclaves de la République qui commettent des impairs à ciel ouvert ou qui sont éclaboussés par des crimes flagrants contre les biens publics, les dignes fils de la cité. Bon Sang ! Votre fils n’est pas né avec des cargaisons de cartons de billets de banque ni avec les bien précieux de ce monde de vanité. Enfin, il faut destituer le dieu de chaque régime politique africain qui incube des ennemis de nos peuples. Généralement, plus un régime politique s’étend sur la durée, plus il est susceptible de couver en son sein des foyers de germes de corruption, de détournements de fonds publics, de mafias, et j’en passe… Ce dieu, aussi criminel que les deux autres précités, se fait complice de tous ces fils en conflit avec les lois qui une fois commis au service de la République se muent brusquement en prédateurs véreux et sans cœur qui pillent tout sur leur passage. Il faudrait que chaque africain du moins dans son cœur apprenne désormais à désavouer ces dieux fossoyeurs, et œuvrer pour les voir disparaitre un beau jour sous nos cieux. Pour que rayonne à jamais le Dieu de la République.
Hervé Kissaou MAKOUYA, philosophe et écrivain.