Au Togo, le malade paie et il est soigné. Les soins ont un coût. Le patient paie pour ses soins et même on paie pour le cadavre. On peut mourir dans n’importe quel hôpital au monde. Et ce n’est pas parce que la personne ou sa famille a dépensé pour ses soins (d’opération) qu’ils ne vont pas payer pour les soins post opératoires (réanimation). Ces deux axes sont à séparer. Qu’est-ce que le patient avait ? Qu’est-ce qui lui a été proposé comme soin ? C’était une urgence ? Laquelle (vitale ou fonctionnelle) ? A-t-il pu réunir ce qu’il faut à temps ? Comment s’est déroulée l’intervention ? Car au Togo, il n’y a pas de couverture santé comme en France…même avec l’INAM et les produits des compagnies d’assurance, le patient doit se patienter, le temps de faire les circuits de formalités d’usage.
Conditions de prise en charge des patients dans les hôpitaux
Quand l’on évoque la prise en charge des patients dans les hôpitaux publics, l’opinion doit déjà savoir qu’il n’y a pas de sécurité sociale donc tous les patients payent les soins. Que le patient soit accompagné ou pas, qu’il soit démuni ou même n’a pas d’identité, il est astreint au règlement des prestations médicales. Donc, que ce soit en situation d’urgence ou pas, le patient ou l’accompagnateur est tenu d’aller faire les formalités à la caisse de l’hôpital en question pour pouvoir s’acquitter de son bon de consultation ou de son admission pour la prise en charge. Pendant tout ce temps, le patient ne reçoit pratiquement aucun soin, sauf si les soignants prennent leur responsabilité (risque) de devancer les événements. C’est seulement après paiement du bon que les soignants vont examiner le malade et poser le diagnostic que ce soit un diagnostic d’une urgence ou non. Ensuite, il faut attendre l’arrivée du médecin traitant pour qu’il fasse les prescriptions. Soit aller directement au traitement approprié à administrer ou soit exiger les examens à faire.
C’est tout un parcours de combattant, surtout pour le patient sans accompagnateurs. Certains patients sans accompagnateurs finissent par tomber à l’hôpital inconscient à force de courir dans tous les sens. Quant aux patients transportés par les sapeurs-pompiers, quand ils arrivent, parfois sans identité, il y a tout un circuit que le personnel soignant doit faire avant que ces derniers puissent bénéficier des soins. La procédure voudrait que le médecin soignant saisisse le surveillant de l’unité. Et c’est ce dernier qui va saisir l’administration pour voir dans quelle mesure les soins pourraient être prodigués. Si c’est en journée, il faut saisir le service social pour qu’un soutien soit apporté pour l’acquisition des produits. Mais, il faut reconnaître que le service social ne prend pas en charge toute la chaîne de la prise en charge de ces genres de patients. Pour ce qui en est des explorations radiologiques et des analyses médicales, le service social ne les prend pas en charge. Sa prise en charge se limite très souvent aux ordonnances qui sont prescrites et au pire le personnel soignant est obligé de saisir l’administrateur qui est au poste en journée pour voir viser la prescription. Il faut reconnaître tout de même que les services sociaux des hôpitaux du Togo souffrent énormément de moyens et au même moment beaucoup les accusent de mal gouvernance.
S’agissant des patients sans moyens, qui arrivent en pleine nuit, ça devient encore plus compliqué, car le service social ne travaille pas les nuits. Souvent c’est le personnel soignant qui directement fait des pieds et des mains pour contacter l’administrateur de garde pour le convaincre de l’urgence, afin que le nécessaire soit fait.
Pour le cas de certains accidentés, l’on voit un accompagnateur pour les premiers soins et après celui-ci disparaît pendant des jours, voire même jusqu’à la sortie du malade. Dans ce cas également, les soignants se réfèrent à l’administrateur.
De la même manière, les patients que les sapeurs-pompiers amènent en l’occurrence, les fous ou bien les patients un peu débiles ou qui n’arrivent pas à communiquer, cela devient beaucoup plus complexe. C’est ainsi qu’on peut retrouver des patients qui font leurs besoins sur place. Donc, il se pose le problème de qui doit faire les soins à ces genres de patients ? Ce qui fait que, parfois, vous arrivez dans certaines unités de soins comme dans les urgences chirurgicales et des urgences médicales et vous découvrez que des malades, surtout ces genres de patients sont couchés à même le sol et souvent non nettoyés. Ils baignent parfois dans leurs matières fécales et leurs urines. Dans ces conditions, ils sont livrés à eux-mêmes. Rares sont ces soignants qui s’approchent d’eux pour leurs administrer une perfusion ou un soin quelconque.
Mais, il faut noter qu’il arrive quelques fois que le personnel des centres de santé mette la main à la poche pour sauver certaines situations.
Le phénomène des examens médicaux dans les CHU au Togo
Après les diagnostics surgissent les vraies difficultés que connaissent les hôpitaux du Togo. En effet, ça devient la croix et la bannière chez les patients critiques, lorsqu’il y a beaucoup d’examens qui ne se font pas dans les hôpitaux publics du Togo, en l’occurrence les explorations à savoir : le scanner et l’IRM ((Imagerie par résonance magnétique) et aussi les examens biologiques spécifiques en milieu de réanimation.
Ce qui les oblige à aller faire ces examens qui sont souvent obligatoires à l’extérieur. Pour les tests biologiques spécifiques, les parents ou les accompagnants sont obligés d’aller dans les structures privées pour faire les formalités, revenir avec les tubes de prélèvement pour que les prélèvements soient faits dans les hôpitaux publics et ramener dans les laboratoires privés. Bien évidemment, avec le risque que les laboratoires des structures privées ne fonctionnent pas 24 heures sur 24 et les weekends quand on est en face de soins intensifs.
Il faut préciser que pour les explorations comme le cancer, seul le laboratoire d’Anatomie Pathologique du CHU Sylvanus Olympio de Lomé est équipé pour le faire efficacement. Tous les centres de santé privés, et surtout les cliniques doivent se référer à ce laboratoire. Même si certains affichent des publicités dans ce sens, aucun n’est habileté pour l’instant à détecter un cancer. Quiconque se confie à une autre unité le fait à ses risques et périls.
La grande difficulté dans les situations critiques pour les patients admis dans les réanimations ou dans les unités de soins intensifs, c’est quand il y a ces explorations à faire comme IRM et le scanner. Cela oblige que le patient soit déplacé vers une structure privée située à quelques kilomètres du CHU public pour faire les explorations alors que le patient se trouve en situation difficile. Alors les déplacer pose vraiment un sérieux problème et cela peut amener à pécher, soit par excès ou par défaut. C’’est-à-dire que quand le patient n’est pas bien stable pour être déplacé et cela embête tellement le médecin car ne pouvant pas avoir la confirmation du diagnostic. Dans ce cas, le soignant se trouve dans l’obligation de faire un traitement de présomption. Puisqu’il n’est pas sûr que le traitement qu’il est en train de faire est le meilleur ou pas. En voulant forcement sauver ce malade, il peut pécher par défaut.
Sinon, il peut aussi minimiser la situation critique du patient pour valider son déplacement et c’est fréquent. Le patient est déplacé en ambulance qu’il faut louer parfois chez les privés ou carrément avec des véhicules de transport sans autres précautions.
Ainsi, la santé du patient peut se dégrader lors de son trajet vers le lieu de l’examen ou sur le retour. Les choses peuvent se compliquer lors du transport. Et c’est pour éviter cette situation d’aggravation que parfois le médecin peut pécher par excès en interdisant le déplacement du patient et donc opter pour un traitement par présomption, avec le risque que la situation peut se dégrader. Cette situation pose le vrai problème de déficit du plateau technique dans les structures publiques du Togo.
Le plateau technique dans les hôpitaux publics
Le CHU Sylvanus Olympio est d’abord une structure d’avant les indépendances qui avait bénéficié de l’appui des colons avec des médecins. Il a permis la formation de la première élite médicale togolaise, avant de le laisser à la charge des nationaux. Ce qui a favorisé l’ouverture de la première Faculté de médecine de Lomé. Il est toujours saturé, en dépit des réaménagements qui ont été faits pour essayer d’augmenter, un tant soit peu, les capacités des unités d’urgence.
Le premier drame dans les unités d’urgences et au niveau des soins intensifs dans les hôpitaux publics, en l’occurrence le CHU-SO, le plus grand centre de référence au Togo et qui est doté d’une réanimation polyvalente), est l’indisponibilité de places pour l’admission des patients en état critique. Une situation qui oblige à maintenir des patients dans les unités de soins alors qu’ils devraient être transférés en réanimation. Plusieurs patients aujourd’hui sont à même le sol et ils sont dans tous les couloirs des services chirurgicaux, traumatologies, gynécologie, pédiatrie, neurologie…les salles d’hospitalisation également sont totalement bondées.
Pendant que le CHU-SO continue d’être envahi de partout, le CHU CAMPUS qui devrait assurer les soins aux patients venant du septentrion de la ville de Lomé et ses environs fonctionne beaucoup plus à un rythme relativement au ralenti. Non seulement, les unités existantes opèrent difficilement mais aussi, il y a de l’espace pour agrandir cet hôpital pour créer de nouveaux services. Depuis sa création, le CHU CAMPUS avait été doté de services de maternité et de gynéco, mais on constate que ces blocs n’ont jamais fonctionné comme prévu. C’est un gros risque pour des femmes enceintes d’aller pour accoucher au CHU CAMPUS car, elles doivent forcément être transférées vers le CHU-SO en cas de complication. Quelques fois ces complications tournent au drame. Il en est de même pour le service ORL qui ne fait que des consultations ordinaires. Ce service qui est une spécialité médico-chirurgicale devrait normalement opérer et faire toutes les interventions liées à la branche ORL. Mais cela n’est pas le cas.
Le CHR Lomé Commune (CHR-LC) qui a été fermé au grand public pour la prise en charge des cas de coronavirus constitue l’autre drame dans la gouvernance du secteur de la santé. Ceci prive de nombreuses populations à l’accès de soins de qualité et vont se massifier dans les autres centres de santé. Avant sa réquisition pour le dédier uniquement aux malades atteints de la COVID-19, le CHR-LC, en matière d’urgence chirurgicale était très performante. La gynécologie était aussi excellente. Les césariennes et les interventions chirurgicales étaient également de qualité. Les urgences chirurgicales se faisaient de jour comme de nuit, avec des gardes bien organisées pour soutenir le CHU-SO et CHU CAMPUS.
Sa fermeture peut expliquer le nombre pléthorique des patients que l’on observe dans les urgences médicales obstétricales et chirurgicales du Centre Hospitalier Universitaire de Lomé.
Avec la pandémie, le CHR-Lomé Commune est doté de vrais matériels de réanimation. Sa réouverture au grand public est très souhaitée au sein du personnel soignant et des populations.
Le CHU Kara n’est qu’à l’image du CHU CAMPUS, c’est-à-dire dans un état de dispensaire. Toutefois, le CHU Kara a également le mérite d’avoir un nombre importants d’enseignants-chercheurs, de professeurs de rang en médecine et qui assure pleinement la formation des étudiants en médecine et des étudiants paramédicaux.
Il se pose en plus un problème de cadre de travail. Les professionnels de cet hôpital n’arrivent pas à se trouver de l’espace et aussi un plateau technique pour exercer efficacement. Très souvent, des services sont créés sur papier mais en réalité sur le terrain ces services sont obligés de planer dans d’autres départements pour pouvoir exister.
Le problème de soins de santé au Togo est réel et il urge de palier à cela, non seulement, le renouvellement et l’accroissement du plateau technique adéquat, mais aussi, la construction de nouvelles infrastructures modernes sur l’ensemble du territoire.
Notre prochaine publication sera consacrée aux pistes de solutions et positionnement stratégique des centres de soins intelligents au Togo.
Francisco NAPO-KOURA