Au Togo, Nicolas Grunitzky, sollicité pour devenir Chef de l’État post putsch militaire, aurait dû en janvier 1963 décliner l’offre pernicieuse et renvoyer les putschistes-assassins déboussolés du Président Sylvanus Olympio à ce que prévoyaient les dispositions de la Constitution togolaise de 1961 en cas d’indisponibilité définitive du Chef de l’État : force serait restée à la loi, la Constitution en serait plus qu’honorée et la morale aurait été sauve. Bien au contraire, il en fut séduit, accepta la perfide proposition, manquant ainsi de loyauté envers son propre parcours politique et envers la Constitution.
Dans l’histoire grecque ancienne, Brutus est le fils (adoptif) qui adouba l’assassinat de son père, l’Empereur Jules César. Celui-ci se serait exclamé selon la version latine de la légende : “Tu quoque, mi fili!” c.à.d. ” Toi aussi mon fils !”. Nicolas Grunitzky n’est certes pas le fils de Sylvanus Olympio, mais le beau-frère et l’adversaire politique de renom dans un Togo alors sous tutelle onusienne ; avant les années des indépendances, il était surtout un alter égo démocrate beau-joueur plutôt anti accession immédiate du pays à la souveraineté internationale. Ô, qu’est-ce qu’il a dû changer après et qu’est-ce qu’il connaissait Sylvanus Olympio sur le plan politique, sans compter le cousinage de sang de leur progéniture !
Toi-aussi, Mon beau-frère ? Post mortem, sans doute Sylvanus Olympio dixit. Nicolas Grunitzky, immérité successeur, immérité Chef de l’État, pour avoir précédemment perdu sans ambages en 1958 les élections supervisées par les Nations-Unies contre ce même Sylvanus Olympio, nationaliste, indépendantiste de première heure ; le togolais Grunitzky a le premier en Afrique noire post indépendance sinistrement ouvert une voie royale à l’opportunisme politique comprador, aux alibis et mensonges pro coups d’État, au délétère et surtout, aux forfaitures et impunités assassines de Constitutions nationales d’ici et d’ailleurs.
Certes plus chanceux que Sylvanus Olympio, en ayant quand-même eu la vie sauve, Nicolas Grunitzky sera déposé à son tour par ceux qui l’ont illégalement fait Roi pendant quatre ans ; ceux-ci se seraient rendus compte après-coup qu’ils auraient dû dès le départ conserver eux-mêmes les bénéfices de l’assassinat de Sylvanus Olympio et s’occuper de la République même s’ils n’en avaient pas la capacité.
Depuis l’époque Grunitzky, depuis plus de soixante ans donc, barbouzerie, cupidité, médiocrité, transhumance politique sans foi ni loi, quête de réussite facile, forfaiture, pathologie Brutus, impunité et accusation véhémente, récurrente et abusive du colonialisme français, coupable des malheurs de la Nation, n’ont de cesse d’être conjuguées au nom et au détriment de la République togolaise et de la Souveraineté nationale.
Morale de l’histoire ?
Depuis le désastre de l’assassinat impuni de Sylvanus Olympio, les acteurs politiques et visages publics officiels d’ici et d’Afrique subsaharienne, nationaux comme binationaux, vont ordinairement à la soupe au détriment de l’intérêt général, puis essaient d’ennoblir leur démarche par des convictions tirées par les cheveux.
Vilévo DEVO
« TAMPA EXPRESS » numéro 0084 du 12 septembre 2025