Trois pénuries de carburant à la pompe en moins d’un an

La crise de l’énergie (électrique et combustible) est le nouveau challenge qui vient se greffer à la gouvernance de Faure Gnassingbé à l’aune d’une hypothétique 5^ème république. Pour avoir fait les hautes études à la prestigieuse Institut d’Administration des Entreprises (IAE Paris Sorbonne), Mme Rose Kayi Mivedor-Sanbiani devrait être suffisamment outillée dans l’art de bien administrer une maison, de gérer les biens d’une personne, puis par extension d’un pays. C’est-à-dire posséder parfaitement cette science sociale qui étudie la production, la répartition, la distribution et la consommation des richesses d’une société. Et c’est à juste titre qu’au soir du vendredi 8 septembre 2023, le Chef de l’État Faure Gnassingbé a procédé à un remaniement qui a surpris tous les acteurs et le public. Madame Rose Kayi Mivedor-Sanbiani (ex-ministre de la Promotion de l’investissement) est propulsée au portefeuille stratégique du ministère du Commerce, de l’Artisanat et de la Consommation locale, pendant que l’ancien patron des lieux Kodjo Sévon Tépé Adédzé chute pour atterrir au ministère d’État, Ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Réforme foncière. Aussitôt les jours suivants ont eu lieu les passations de service. Puis déjà le 20 septembre 2023, apparaît une tension dans les stations-service, l’on est passé des longues queues, jusqu’à la rupture totale de carburant dans plusieurs stations. Et c’était grâce au carburant de contrebande que le pays a tenu ; les prix ont flambé de 700 FCFA soit EUR 1,07 (prix à la pompe du super) à 3000 FCFA (EUR 4,57) le litre par endroit dans le pays, soit plus de 400%.

À l’époque, le gouvernement était resté muet pendant des jours, mais c’est l’ancien député du NET, Gerry Komandega Taama, candidat foudroyé aux dernières élections législatives du 29 avril 2024, qui avait joué au « pyromane » en justifiant la situation par un retard de livraison des bateaux pour cause d’intempéries en mer. Tout comme si les tankers sont conçus suivant les caractéristiques des pirogues artisanaux. En passant, tous les pays du monde utilisent ces mêmes moyens d’approvisionnement sans autant d’anicroches. Ce n’est que deux ou trois jours plus tard que le gouvernement par l’entremise du ministère du Commerce, sort un communiqué pour informer la population de ce qu’elle savait déjà, la pénurie de carburant sur le territoire togolais. Il rassure des mesures prises pour le retour à la normale et met en garde les potentiels spéculateurs.

Toutes les investigations faites révèlent que le député Tamara a menti au peuple, car, les stocks de la Société Togolaise d’Entreposage (STE) étaient largement disponibles et ne souffraient d’aucun manquement. La preuve est que la STE n’avait reçu aucun nouvel approvisionnement avant le retour à la normale. Et d’ailleurs l’analyse des prévisions portuaires au niveau du quai minéralier montre que les mouvements des tankers ont été réguliers les deux mois qui ont précédé cette pénurie. C’est ainsi que selon les sources, il s’agirait d’une lutte des clans pour le contrôle des approvisionnements…

Après une semaine de vive tension dans les stations-service du pays, la vie a repris son cours normal jusqu’au 3 janvier 2024, lorsqu’une nouvelle pénurie de carburant a encore secoué le pays. Il s’agit cette fois-ci d’une rupture de l’essence super, les autres produits n’ont pas connu de tension. Toujours, l’analyse des données portuaires montre que les approvisionnements sont réguliers. Mais selon une source, c’est l’État qui a été lourdement fautif, c’est-à-dire le ministère du Commerce et son Comité de Suivi des Fluctuations des Prix des produits Pétroliers (CSFPP). Cette nébuleuse dont la famille Adjakly refuse de se débarrasser et qui constitue de grandes convoitises pour tous les ministres qui sont passés par-là. Cette pénurie du début janvier 2024 était simplement due à un retard dans la répartition des commandes des marketers. Ayant déjà la cuillère dorée dans la bouche, les premiers acteurs ont certainement abandonné leurs charges au profit des fêtes de fin d’année (le 1^er janvier 2024 étant  un lundi, le mardi 2 janvier est un jour férié, sans oublier la demi-journée du vendredi 29 décembre 2023…).

Il est par ailleurs important de rappeler que la STE dont le stock est destiné à la consommation nationale est en constant renforcement de ses installations. Pour spécialement le super, elle dispose de deux réservoirs supplémentaires (BAC n°5 et BAC n°1) d’une capacité totale de 4400 m³ soit 4 400 000 litres de super. La capacité d’enlèvement journalière des géants togolais dans la distribution est pour TotalEnergie de 500 000 litres pour le Super et le Gasoil 300 000 litres, talonnée de près par T-Oil.

À ne pas confondre, la STE qui stocke pour la consommation locale et la Société Togolaise de Stockage de Lomé (STSL) dont le stock est destiné au Sahel et aux pays voisins avec une capacité totale de 244 400 m³.

Sur le terrain, ces deux entrepôts de carburant (STE et STSL) ne se font ni la guerre, ni la concurrence. Ils sont toujours complémentaires et chacun vole au secours de l’autre en cas de besoin. Et c’est surprenant que les Togolais vivent encore depuis le vendredi 12 avril 2024, une nouvelle pénurie dans les stations d’essence. Tout commence toujours par le super qui est la demande la plus forte. Certains pourraient croire à une communication politique orchestrée par le gouvernement pour occuper les esprits, l’art de la diversion pour faire passer la pilule des résultat provisoires de la CENI du double scrutins législatif et régional que la Cour constitutionnelle s’apprêtait à confirmer dans son intégralité.

Mais au contraire la situation est réelle et plus que fâcheuse. Pour la troisième fois en moins de neuf mois, la ministre Rose Kayi Mivédor-Sambiani, sans outre mesure, réchauffe le vieux discours en criant au voleur, alors qu’elle-même ne pourra passer, « innocenter » au détecteur de la mal gouvernance.

Les sociétés pétrolières interrogées affirment avoir bien passé les commandes habituelles auprès de CSFPPP et les factures sont payées. Si l’on retient que toutes les compagnies paient leurs commandes avant les enlèvements, comment se fait-il que le carburant qui apporte tellement de marges au réseau souffre encore d’impayé vis-à-vis des fournisseurs.

Cette fois-ci, il résulte de nos investigations que l’État togolais n’a pas de carburant à leur fournir pour défauts de paiements. Ce qui corrobore avec les relevés portuaires qui montrent que sur les trois dernières semaines, seulement 15 mille tonnes soit 15 000 000 litres de super ont été déchargés par MV AMIF, le 03 mai 2024 contre plus du triple par le passé. En dehors de ce dernier bateau, aucun autre navire n’est annoncé pour les prochains jours, en dehors de quelques cargaisons du JET, Huile et Bitume. Selon une source, certainement que le trader de l’État n’a pas de stock disponible ou c’est le bateau qui n’est pas arrivé à temps. Pour un autre spécialiste, le pays a connu tellement de jours fériés ces derniers temps donc une accumulation de livraisons en attente.

Mais la conséquence est à court et long terme sur l’environnement et les engins roulant car, une observation des produits distribués en ces temps de pénurie sur plusieurs sites, même déjà à travers leur odeur, laisse à désirer en ce qui concerne leur qualité. Tout porte à croire que plusieurs stations-services ont fait recours au carburant de contrebande « boudè ».

Que Mme la ministre Rose Kayi Mivedor-Sanbiani arrive à convaincre sur ses capacités pour lever les défis de la gouvernance. Pourquoi ne pas vite faire des diligences vis-à-vis de la Société Togolaise de Stockage de Lomé (STSL) pour supplier la demande locale.  C’est là l’équation, car, il est aussi la difficulté lorsqu’on cumule des arriérés vis-à-vis de ses partenaires.

B. Douligna

« TAMPA EXPRESS » numéro 0058 du 29 mai 2024