Faure Essozimna GNASSINGBE, Président du Togo depuis 2005
ImSylvanus Olympio, Président togolaise Étienne Eyadéma général Gnassingbé,
du 15 avril 1961 au 13 janvier 1963 Président du Togo 15 avril 1967 – 5 février 2005
Le pouvoir doit être au service des besoins essentiels des masses et de l’équité générationnelle, mais hélas!
Dans son livre diagnostique publié en 1962 – L’Afrique noire est mal partie – René Dumond déplora l’absence de politiques agricole et éducative, le poids de la corruption et du népotisme qui érodent les ressorts de la prospérité. Par ailleurs, il souligna déjà en ce temps qu’une vie de paysan vaut un mois et demi de travail parlementaire. De nos jours, ce rapport s’est davantage détérioré, reléguant le paysan dans une misère avilissante et une existence non enviable. En outre, René Dumond fit le constat que l’agriculture est caractérisée par le sous-investissement et l’inadéquation des systèmes; alors que les rendements pâtissent des moyens rudimentaires. Pourtant, le continent détient la majorité des terres arables inexploitées du globe. René Dumont déplora surtout l’apparition d’un autre colonisateur, la caste privilégiée, tels que les ministres, députés et fonctionnaires, qui constitue une version moderne de la Cour de Louis XIV, préférant la veste et la cravate à la brousse. Il adjoignit dès lors que la corruption était devenue l’obstacle essentiel au développement. En fin, il mentionne que l’école ne sert en rien la production et ne forme que des bureaucrates, des certifiés-chômeurs, des aigris.
René Dumont, après avoir fait ces constats, préconisa entre autres : l’éducation et l’encadrement orientés vers la satisfaction des besoins locaux; le crédit agricole, la coopération et l’organisation du commerce; le plein emploi et les investissements en travail, estimant que la grande chance de l’Afrique repose sur un énorme réservoir de main-d’œuvre. Plus de 6 décennies plus tard, ces constats accablants de René Dumont sont encore d’actualité sous la gouvernance de Faure Essozimna Gnassingbé et pire. Comment en est-on arrivé là?
Le rêve des pères fondateurs fut de « bâtir la Nation togolaise » prospère et souveraine
Les pères fondateurs du Togo indépendant avaient conscience que le développement doit être une quête perpétuelle pour conquérir la véritable indépendance. Ils rêvaient de faire du Togo « l’or de l’humanité ». C’est dans cette optique, Sylvanus Olympio préféra rembourser la dette coloniale avant la proclamation de l’indépendance, et donc le refus de signer le pacte colonisatial proposé par de Gaulle en 1958. Déjà dès les premières heures de l’indépendance des décisions majeurs et structurantes fut prises, empruntes de rigueur économique et d’impératif de développement. Il était donc à des longueurs d’avance sur ses contemporains ». Par-dessus tout, Sylvanus Olympio faisait régulièrement au peuple un compte rendu des résultats de ses voyages.
En termes de réalisations, l’hôtel le Bénin fut construit et ouvert en 1960 pour pouvoir héberger les délégations reçues lors de la proclamation de l’indépendance du Togo. Le 20 juillet 1960, Sylvanus Olumpio signa le contrat de construction du port autonome de Lomé avec l’Allemagne Fédérale, dont la première pierre fut posée le 23 novembre 1962. Le 26 octobre 1962, il communiqua amplement sur son « plan de développement économique du Togo ». Entre autres, il a fait passer de 2% à 20% la part du Togo dans la compagnie d’exploitation des mines CTMB (compagnie togolaise des mines du Bénin). Puis il y a eu en 1961 la signature d’une convention avec la Yougoslavie pour la construction du barrage de Kpimé dans le Kloto au sud-ouest du Togo. Cette volonté de pérenniser la politique d’indépendance énergétique aboutira à la création de la Compagnie Énergie Électrique du Togo (CEET) le 20 mars 1963, et le rachat, en 1964, de l’Union électrique coloniale (UNELCO), la société métropolitaine qui gérait l’énergie électrique au Togo depuis 1937.
Concernant le développement rural, le gouvernement de Sylvanus Olympio lança divers programmes à Tchitchao, Glidji, Agu-Nyongbo, Kambolé, Nuadja, Topkli, Sotouboua, Tové, etc. Il mettra aussi en place des centres de formation rurale, entre autres, dans la région des plateaux, des réserves agricoles pour moderniser l’agriculture dans la vallée de l’Oti et dans la vallée du Mono. L’institut d’hygiène fut mis sur pied. Il institua la Jeunesse pionnière agricole (JPA) et engagea la promotion des industries légères à travers les investissements privés, des brigades des travailleurs, etc. De plus ce gouvernement entama l’amélioration du réseau de transport.
Quant à la souveraineté monétaire du Togo souverain, Sylvanus Olympio voulait battre sa propre monnaie « le franc du Togo », afin d’être « maître de son destin » ou « maître chez soi ». Dans cette optique, l’Assemblée nationale vota le 12 décembre 1962 la loi 62-20 prévoyant la création de la Banque centrale du Togo, en prélude à l’adoption de la monnaie nationale. Hélas, Sylvanus Olympio sera assassiné le 13 janvier 1963, presque à la veille de la création de la monnaie et la sortie de la zone CFA. En effet, la signature de la fin de collaboration monétaire avec la France était prévue pour le 15 janvier 1963. Malheureusement, plus de 62 ans plus tard, « sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » reste fichée dans le temps. La nuit semble interminable, mais surement pas éternelle.
La dynamique de développement initiée par les Pères fondateurs persistera durant la 1ère décennie du règne de Gnassingbé Eyadema avant de s’étioler lentement
Le fil conducteur tressé dans le sillage de la vision de souveraineté économique des Pères fondateurs persistera durant les intermèdes de Nicolas Grunitzky, de Kléber Dadjo et quelques années sous Gnassingbé Eyadema. Toutefois, l’espoir suscité et les efforts entamés se sont progressivement dissipés en raison du manque de vision et d’engagement patriotique. C’est pour dire que l’habit cousu par les Pères fondateurs était trop grand pour certains. N’est pas un leader visionnaire qui veut, mais qui en a l’étoffe.
Pourtant le Togo avait et a encore des atouts non négligeables. Au début des années 1970, la production annuelle du phosphate atteignait déjà plus de 3 millions de tonnes. Cela combiné à l’envolée du prix international des phosphates incita le gouvernement d’alors à procéder à la nationalisation le 2 février 1974 de l’exploitation du phosphate togolais. Cela va de soi que c’est une bonne décision, mais qu’a-t-on fait de cette manne? Dès lors, la Compagnie Togolaise des Mines du Bénin (Cotomib) qui était la compagnie exploitatrice du phosphate depuis 1956 devint alors l’Office Togolais des Phosphates (OTP). Toutefois, cette manne financière ne profitera pas pleinement à la masse. Elle a servi plus à financer des dépenses de prestige, des réseaux de redevables et d’assujettis et d’autres. Le financement et la réalisation de grands ouvrages au profit des citoyens comme des logements sociaux, des universités, des routes, des autoroutes, les chemins de fer et les infrastructures d’assainissement étaient balbutiants. On aurait pu aussi lancer un fonds souverain pour les générations futures.
Malgré tout, il faut souligner que Gnassingbé Eyadema avait entrepris certains bons coups. Sur le plan sportif, le stade municipal de Lomé, initialement stade Georges Clémenceau construit en 1926, fu rénové en 1969 et doté d’une capacité de 12 000 places pour accueillir le 30 mars 1969 à Lomé le match retour de la finale de la ligue africaine des champions entre l’Étoile filante de Lomé et le TP Englebert de Lubumbashi (TP Mazembe) du Zaïre. Puis le stade de Kégué d’une capacité de 20 000 places sera inauguré en 2000.
Vers la fin des années 70, on dénombrait plus ou moins 72 entités dans l’industrie manufacturière (moyennes ou petites entreprises et ateliers) dont une quarantaine d’établissements industriels. Globalement, il y avait environ 15 unités dans le secteur de l’industrie du papier et de l’édition, 14 unités dans l’industrie alimentaire et de boissons dont des boulangeries, 13 unités dans l’industrie du bois et du meuble, 4 dans l’industrie des matériaux et de de construction, 9 entités dans Industrie du pétrole et chimie, 6 unités dans l’industrie de la métallurgie et des métaux, 5 entités dans l’agro-industrie, 4 usines dans le textile et 2 unités dans Industrie du cuir et de la chaussure. On dénombrait également 4 sociétés de « production verticale » qui sont la SONAPH (Société nationale pour le développement de la palmeraie et des huileries), la SRCC (Société nationale pour la rénovation et le développement de la cacaoyère et de la caféière togolaises), TOGOFRUIT (Société nationale pour le développement de la culture fruitière) et la SOTOCO (Société togolaise du coton).
En 1971 fut créé TOGOGRAIN (Office national des produits vivriers) comme organisme de régulation du marché des produits vivriers et principalement du marché céréalier. Puis suivront les lancements du Centre national de promotion des petites et moyennes entreprises (C.N.P.P.M.E), de la zone industrielle du port. Par la suite, on aura notamment la SOTOMA (Société togolaise de marbrerie et matériaux), la CIMTOGO (Cimenteries du Togo), la STB (Société togolaise de boissons), TOGOGAZ (Société togolaise des gaz industriels), la SODETO (Société des détergents du Togo ), la SGMT (Société Générale des moulins du Togo), L’ITOCY (Industrie togolaise du cycle et du cyclomoteur), la SMAT (Société de menuiserie et d’ameublement du Togo), la SOTOMARIAUX (Société togolaise de matériaux) pour la fabrication des peintures et laques, les Huileries togolaises telles que les huileries d’arachide de Cacavelli et l’huilerie de palme d’Alokoégbé, la féculerie de la Compagnie du Bénin à Ganavé, les usines d’égrenage de coton de la S.C.O.A. (Société commerciale de l’Ouest africain et la Société Générale du Golfe de Guinée ( S.G.G.G. ) à Atakpamé, la Société chimique industrielle africaine de Bè alimentée en matière première par l’huilerie d’Alokoégbé. Quant à la maison du parti RPT (Rassemblement du Peuple Togolais), elle sera inaugurée le 3 juin 1972.
Sur le plan du tourisme, la construction du complexe touristique Tropicana sera achevée en décembre 1972, comprenant 200 bungalows d’une capacité de 400 places au coût total de 800 millions FCFA. L’hôtel de la Paix à Lomé, dont la construction a débuté en 1972 a été inauguré en 1974. Quant à l’hôtel Sarakawa, sa construction sera achevée en 1979. Pour la petite histoire, le bâtiment principal de l’hôtel a été simplement mal orienté par rapport aux plans de construction de l’architecte italien Eugène Palumbo. En effet, initialement ce qui était prévu comme la façade de l’hôtel se retrouvera comme son arrière et tourné vers la mer. Alors, l’artiste togolais Paul Ahyi a été sollicité pour couvrir l’arrière devenue façade, tournée vers la route, avec une grande fresque monumentale. Le boom phosphatier servira aussi a financé la construction bien qu’onéreuse (près de 35 milliards FCFA) de l’hôtel du 2 février, ouvert en 1980.
Il y avait dans l’impression et l’édition l’imprimerie nationale et EDITOGO (établissement national des éditions du Togo), ITT (Industrie Textile du Togo), Togométal dans la fabrication de meubles métalliques et semi-métalliques, la Brasserie du Bénin dans la fabrication de boissons, la SICOPA (Société industrielle et commerciale de papier) dans la transformation et le conditionnement de papier faisait le beau temps, la M.T.P. (Manufacture togolaise de plastiques) dans la production de sacs et sachets en plastique et Bata dans la fabrication de chaussures avec son inimitable spot publicitaire « pas un pas sans Bata ».
Mais dès la 2e moitié des années 70, il y a eu un ralentissement du rythme de création d’entreprises et les initiatives porteuses. Tout de même, on notera entre autres la création des abattoirs de l’O.N.A.F. (Office national des abattoirs et frigorifiques). Le 7 mars 1977, fut lancé la révolution verte et l’autosuffisance alimentaire au Togo ayant pour objectif d’amener en une demi-décennie le Togo à l’autosuffisance alimentaire. La SOTEXMA (Société togolaise d’exploitation de matériel agricole) a été créée pour assurer la location de matériel pour la réalisation de travaux agricoles et de génie rural. La raffinerie de pétrole de la S.T.H. (Société togolaise d’hydrocarbures) et l’aciérie électrique de la S.N.S. (Société nationale de sidérurgie) seront construites au coût de 20 milliards. Ce fut malheureusement des éléphants blancs classiques, du fait d’une évaluation non adéquate des projets et des contraintes et opportunités s’y afférant.
La gestion aléatoire, le manque de transparence et de la corruption auront raison de la plupart des sociétés qui seront fermées ou au mieux cédé à des intérêts privés ou partisans. On peut citer par exemple le cas du détournement considérable à la CNCA (caisse nationale du crédit agricole), la fermeture du complexe hôtelier Tropicana, etc. De plus le culte de la personnalité institutionnalisée à travers l’animation politique déviera le peuple du chemin de la construction nationale. Et finalement la répression politique a cloué le cercueil du vivre ensemble.
Le cas particulier de la raffinerie de pétrole, un exemple à ne plus répéter
Dans l’euphorie du boom phosphatier, il a été décidé la construction d’une raffinerie, la Société Togolaise des Hydrocarbures (STH), d’une capacité de stockage de 243 265 m3 dans 16 citernes, dont la construction a débuté en 1979. Elle fermera ses portes dès 1981 avant d’être définitivement arrêtée vers 1983 et sa capacité transformée pour stocker les importations de fuel/mazout en partie à destination des pays du Sahel. La raffinerie était dotée d’une unité de brut de 20 000 Barils/jour de fonctionnement, et d’une unité de traitement des distilles par l’hydrogène de 7 158 b/jour de fonctionnement, d’une unité de reformation catalytique de 3 020 barils/jour de fonctionnement et d’une installation de récupération et de mise en bouteilles du butane. Le hic, était que cette raffinerie avait été conçue pour traiter exclusivement le brut Escavaros nigérian (36o API) du Nigéria et à l’exporter vers L’Europe occidentale. Ce modèle d’affaires condamnait la raffinerie même avant sa création. Certaines sources justifieraient que ce choix été commandé par certains intérêts, mais passons.
Les clignotants rouges ignorés dans le secteur de l’importation du pétrole
Quant à l’importation du carburant au Togo, déjà le rapport d’une mission du PNUD de juin 1985 suggérait la mise sur pied avec les importateurs d’une méthodologie de calcul de coûts au débarquement de référence, qui permettrait aux autorités d’évaluer la compétitivité des coûts d’importation réels. Cette mission proposait aussi pour le plus long terme d’envisager l’établissement d’un système d’appels d’offres internationaux pour l’approvisionnement du marché, avec l’obligation d’avoir régulièrement des périodes de soumissions. Des décennies plus tard scandale, Ferdinand Ayité relèvera en 2020 dans son journal L’Alternative le « Petrolegate », un scandale de corruption dans le domaine de l’approvisionnement du pétrole au Togo. Toujours est-il que cette situation persiste toujours pour le bonheur de la minorité pilleuse.
La faillite de la gouvernance sous Faure Gnassingbé que même la rhétorique du chiffrisme et de l’économisme ne peuvent plus masquer
Au départ, il y avait les promesses – « Les 20 plus de Faure ». À la suite du carnage de 2005 pour la captation du pouvoir après le décès de son père en février 2005, Faure Essozimna Gnassingé avait présenté des promesses sous la forme des « vingt plus de Faure ». Il promettait entre autres plus pour la réconciliation et l’unité, plus pour le rayonnement du Togo à l’international, plus pour la sécurité, plus pour la démocratie, plus pour la justice, plus pour les libertés, plus pour la bonne gouvernance et la fonction publique, plus pour la société civile, pour la jeunesse et l’éducation ( 5000 classes nouvelles avec les équipements appropriés en 5 ans), plus pour les femmes, plus pour la retraite, pour a liberté de création, plus pour la ville (assainissement des villes et notamment Lomé ; logement pour tous), plus pour la santé (doubler le budget de la santé en 5 ans), plus pour l’agriculture, plus pour la jeunesse et la culture (1000 terrains de jeu, maisons de culture, opportunités aux artistes), plus pour l’artisanat, plus pour le tourisme, plus pour l’environnement, plus pour les médias.
Comme ce n’était pas assez, Il avait poussé le bouchon aussi loin, « je ferai construire des maisons à bon marché pour faciliter le logement des jeunes accédant à la vie active et de tous ceux qui ont besoin de se loger dans de meilleures conditions ». Par ailleurs, il a promis mettre en chantier une autoroute dénommée « FLEUVE DE L’ESPÉRANCE » allant de Lomé à la frontière nord. Ce projet créerait 100 000 emplois en 5 ans, offrira un moyen de transport efficace et sera le vecteur de notre intégration régionale.
20 ans plus tard, c’est la faillite de la gouvernance et les « vingt plus de Faure » sont devenus des « vingt moins de Faure »!
Avec sa prestation de serment le 3 mai 2025, Faure Essozimna Gnassingbé a entamé un 5e mandat en roue libre résultante du fouillis de la 5e République RPT/P-UNIR, mort-née. Toutefois, à la place des 5000 nouvelles classes d’écoles, des 1000 terrains de jeu, de l’autoroute Lomé-Cinkansé génératrice de 100 000 emplois en 5 ans, etc. promis en 2005, les Togolais « n’ont eu que dalle ». On nous parlera tout au plus de quelques routes à Agoué et du viaduc d’Agoè, du contournement, et de quelques retouches en vingt ans. Pourtant, le Togo a autant de potentiel humain et naturel. Au finish, l’absence de résultats et la répression à tout vent pour faire taire toute contestation sont les éléments marquants de la gouvernance de Faure Essozimna Gnassingbé. Pire, malgré la militarisation du pays, quand on permet encore l’institutionnalisation et l’institutionnalisation d’une milice dénommée « sentinelles du peuple », c’est qu’on a touché le fond. On ne peut plus aller plus profond que cela. Ce n’est plus qu’une question de temps.
Même les urgences évidentes sont traitées avec une telle apathie ou manque d’empathie qu’on se demande où est le bon sens au Togo. Par exemple, le lycée du 2 février construit en 1991 a été fermé en septembre 2023 à la suite d’un constat de dégradation structurelle, forçant la relocalisation d’urgence de près de 1500 élèves. Sa reconstruction est toujours attendue. Il en est de même du marché d’Agoè-Assiyéyé qui a été ravagé par un incendie le 23 décembre 2023. Les acteurs de ce marché, laissés pour compte, commencent par crier leur ras-le-bol. Par ailleurs, depuis janvier 2013, ce sont une dizaine de marchés d’importance qui sont passés au feu, notamment le marché de Kara (09.01.2013), le grand marché de Adawlato-Lomé (12.01.2013) et non encore reconstruit, le nouveau Marché de Kara (02.01.2022), le marché de Kpalimé (24.03.2022), le Marché de Hanoukopé-Lomé (10.04.2022), le marché de Agoè Assiyéyé-Lomé (21.12.2023), le marché de Kara (25.12.2023), le marché de Kégué- Lomé (03.09.2024), le marché de Amou-Oblo Amou (27.12.2024), le marché de Adidogomé Assiyéyé Lomé (31.12.2024). Lorsque l’on connait l’importance de ces marchés pour l’économie togolaise, presque équivalents à des places boursières ailleurs, on ne peut pas comprendre l’absence de diligence dans leur reconstruction. Même la sécurité incendie est chimérique à la fin du 1er quart du 21e siècle au Togo. C’est zéro pointé partout. Contrairement à ses prédécesseurs, incluant son père, Faure Essozimna Gnassingbé n’a rien construit en 20 ans, ni stade de sport, ni palais de congrès ou de la culture, ni hôtel de ce nom ou d’école et de centre de formation dignes, ni route nationale, ni hôpitaux de référence, etc. Cette absence de vision et l’asthénie dans les situations d’urgence conduisent à un état de défaillance abyssale.
Pourtant, l’endettement non structurant est effréné et devient handicapant
Madame Essossimna Marguerite GNAKADE, ancienne ministre des Armées, mentionnait dans sa sortie du 2 mai 2025 à propos du bilan de Faure Essozimna Gnassingbé que « vingt ans plus tard, en dépit de plus de 15 000 milliards de FCFA injectés dans l’économie togolaise, les résultats tangibles sur l’amélioration des conditions de vie des Togolaises et Togolais peinent à prendre corps ». Elle a fait plusieurs sorties cette année 2025 et a même pris les trottoirs. Apparemment elle dérange beaucoup de sorte que le 17 septembre 2025, un dispositif pléthorique de forces armées comprenant gendarmes, policiers et militaires des unités d’intervention rapide ont fait intrusion chez elle et l’ont l’extirpée avec une rare violence. Elle serait gardée dans les locaux des services de renseignement.
La dette publique du Togo était d’environ 2 553,45 milliards FCFA en 2020. Elle est passée à près de 4 217,73 milliards de FCFA en 2024, représentant près de 69,16% du PIB; dont 2 432,56 milliards de dettes intérieures et 1 785 milliards de dettes extérieures. En 4 ans, la dette publique du Togo a augmenté de plus de 65 %. Le Togo affiche un si haut niveau d’endettement relatif, malgré l’initiative PPTE en 2010 et le rebasage du PIB pour l’année 2019. Au premier semestre 2005, le Togo a consacré un peu plus de 448 milliards FCFA au service de la dette, soit 37 % des prévisions de recettes fiscales pour toutes l’année 2025, environ 1 210 milliards FCFA de recettes projetées.
De plus en plus de difficultés à lever des fonds, surtout les OAT
En juin 2025, le Togo avait eu des difficultés à lever des fonds, principalement par des OAT (obligations assimilables du trésor), qui sont des titres à maturité longue et donc plus du ressort des investisseurs institutionnels comme les grands fonds d’investissement. Depuis lors, plusieurs essais d’émission des OAT ont échoué. Alors pour masquer ces difficultés, le pouvoir de Lomé s’est rabattu sur les BAT (bons assimilables du trésor), qui sont des titres publics émis à court terme, c’est-à-dire de 3, 6 ou 12 mois. Ainsi, le 11 août dernier, le Togo a fait une autre levée de fonds sur le marché de l’UMOA de 33 milliards FCFA, cependant par des titres BAT. Le site du Ministère des finances et de l’économie parlera alors de Jackpot sur le marché de l’UMOA-Titres. Pourtant il s’agit d’un énième prêt à rembourser, pire à court terme. Qui plus est, c’est une manipulation de l’opinion eu égard aux difficultés par rapport au OAT. Chose assez curieuse, 21,992 milliards sur les 33 récoltés provenaient d’investisseurs au Togo, selon le compte rendu disponible sur le site de l’UMOA. Déjà en 2024, le Togo avait mobilisé sur ce marché environ 638,5 milliards FCFA, dont seulement 30 % en OAT et le reste 70 % par les titres BAT. Les clignotants sont au rouge et ça presse. Rappelons que ces prêts ou dettes à maturité courte mettent une grande pression sur les finances publiques, car les échéances de remboursement arrivent rapidement. Cela pourrait engendrer un cercle vicieux, empêtrer pour payer la dette, rendant l’endettement infernal.
La rhétorique budgétaire, le chiffrisme et l’économisme comme échappatoires
Le gouvernement togolais affuble ses budgets successifs d’épithètes sans commune mesure, alors que les résultats sont du domaine de l’épitaphe. Dans le même temps, la situation est de plus en plus asphyxiante sur tous les plans au pays. Année après année le budget national est qualifié de « budget de mandat social » ou à « forte connotation sociale », consacrant aux dépenses sociales une part de 54% (budget 2021) 46 % (budget 2022), 49% (budget 2023). Encore que l’on ne sache pas ce qui est concrètement inclus dans ce fourre-tout « mandat social ». Toutefois, la reddition de compte ne suit pas pour permettre aux citoyens de savoir ce qu’il en est réellement des ordonnancements budgétaires destinés au social et les différents programmes de transfert.
Plusieurs programmes ou projets sont lancés sans aboutir ou dont la réalisation laissée à désirer. On peut citer notamment le FNSI, DOSI, DSRP, SCAP, PUDC, les projets de filets sociaux et services de base et d’opportunité d’emploi pour les jeunes vulnérables lancés le 6 février 2018, le PND (Programme National de Développement 2018-2022) lancé le 3 août 2018 et bien d’autres. Particulièrement, le PND fut lancé en fanfare avec des objectifs presque angéliques, spécialement un financement global de 8,3 milliards $US (65% par le secteur privé et 35% public), un cap de 7,6% de croissance à l’horizon 2022, 50% de taux de bancarisation et 1 million d’emplois dont 500 000 directs. Lors de son discours de fin d’année 2022, Faure Essozimna Gnassingbé déclarait que la Plateforme industrielle d’Adetikopé (PIA) avait créé des milliers d’emplois pour les jeunes; mais sans plus de détails comme toujours. Et entre-temps, le PND s’est métamorphosé en feuille de route gouvernementale (2021-2025. Nous sommes en 2025, la dernière année de programmation de cette feuille de route 2020-2025, mais on peut difficilement relever le moindre résultat. Malgré cette évidence, le site presidence.gouv.tg mentionne dans le cadre de cette feuille de route que « plaçant l’émergence au cœur de son ambition, le Togo a réalisé des avancées remarquables lors des 10 dernières années ».
La fuite en avant, mais pas pour longtemps
La dérobade semble être le sport favori de la gouvernance de Faure Essozimna Gnassingbé. Ils ont concocté à la hâte une 5 République, régime parlementaire à la sauce togolaise, qui serait en vigueur depuis le 3 mai 2025, qu’ils ont de la difficulté à opérer. Visiblement tout n’a été fait que pour couronner un « Roi » et ainsi soustraire Faure Essozimna Gnassingbé de l’impossibilité de briquer un 5e mandat sous la 4e République. Mais à l’épreuve des faits, le « roi » découvre qu’au bout de ce micmac il n’est qu’un Premier ministre, un chef de gouvernement. Le clapet s’est fermé et le dribleur s’est driblé. Ainsi, le premier gouvernement de cette 5e République n’a pu voir le jour plus de 4 mois depuis la prestation du serment. Alors, comment se sortir de son propre piège mal accommodé? C’est la question du siècle. Même l’élection des maires et adjoints après les élections municipales du 17 juillet dernier a été reportée 3 fois déjà. Dans le Togo actuel, seule la répression a le vent en poupe, malheureusement.
Friedrich Hegel disait que « ce qui élève l’homme par rapport à l’animal, c’est la conscience qu’il a d’être un animal […] Du fait qu’il sait qu’il est un animal, il cesse de l’être », mais apparemment pas pour la minorité pilleuse. Quant au feu Nobert zongo du Burkina Faso : « personne n’a un avenir dans un pays qui n’en a pas ». Alors, Citoyens du Togo, osons inventer le Togo nouveau dont nous rêvons. C’est un devoir patriotique et une dette envers la descendance.
Joseph Atounouvi
« TAMPA EXPRESS » numéro 0085 du 30 septembre 2025