Parmi les nombreuses idées reçues sur le système éducatif figure celle de la baisse de niveau des élèves. Le sujet est mondial et ne date pas d’aujourd’hui. Les premières opinions sur le sujet se sont développées à partir des années 60. Au Togo, il est de plus en plus fréquent ce genre de débats dans les médias ou dans les conversations. Quelle est la part du réel dans cette perception ? Ne faudrait-il pas plutôt voir une mutation du système éducatif ? Nous essayerons d’abord de comprendre dans notre contexte, l’opinion sur la baisse de niveau, puis de montrer l’importance d’une mutation actuelle de l’école.
Lorsqu’on parle de baisse de niveau, chacun voit midi à sa porte. Chaque génération se perçoit meilleure que celle qui la suit. Au Togo, les nostalgiques des années 70 semblent situer à cette époque l’âge d’or de l’école. Le système était en ce temps, plus sélectif en termes d’âge d’entrée à l’école. Le taux de scolarisation était autour des 40%. Les instituteurs d’alors pratiquaient une sélection des candidats pour le CEPE (Certificat d’Etude Primaire Elémentaire). Le concours d’entrée en 6ème était une autre barrière pour les élèves. La dictée, une matière qui permet d’évaluer les enfants par rapport aux outils linguistiques à savoir : la grammaire, la conjugaison, l’orthographe, était une épreuve éliminatoire. Le groupuscule d’élèves qui franchissaient la barre du CM2 pour la 6ème était non seulement matures, les têtes pleines, mais plus doués dans la langue (française), véhicule de toutes les autres disciplines. Depuis la Réforme de l’Enseignement de 1975, (y a-t-il réforme si tout va bien ?), les données vont progressivement évoluer. Les principes de l’école nouvelles affirment une scolarité obligatoire de deux ans révolus à quinze ans. Aussi les tranches d’âges scolaires ont -ils beaucoup évolué avec une inscription de plus en plus précoce des enfants à l’école. A la rentrée 1976-1977, l’examen du CEPE a été remplacée par le Certificat d’études du premier degré (CEPD) avec suppression du concours d’entrée en 6ème. Excepté quelques périodes de crise des années 1980, les taux de scolarisation ont progressivement évolué atteignant en 2020 les 100 % au primaire et en moyenne 75% au collège avec une politique orientée vers l’école pour tous, la promotion de la scolarisation des filles, la gratuité de l’école. La construction des classes, le recrutement des enseignants n’a pas suivi cette évolution des effectifs scolaires.

Il en résulte des classes pléthoriques et des enseignants surchargés par le travail ou démotivés. On note également une valorisation progressive des sciences aux dépens des lettres et en adéquation avec l’évolution des technologies. Désormais on constate une faible maitrise de la langue par un plus grand nombre de candidats aux différentes épreuves d’examens et concours, ce qui peut expliquer la perception de baisse de niveau. Cette conception de baisse de niveau scolaire contraste cependant avec la progression des résultats scolaires. En effet, les taux de réussite au BAC 2 n’ont jamais été aussi bonnes que ces cinq dernières années au Togo. Cette année encore, malgré la pandémie de la COVID-19 qui a entrainé une désorganisation ou plutôt une réduction des horaires de cours dans les établissements publics, le taux de réussite a connu une hausse par rapport aux trois dernières années où il était respectivement de 62 % puis 54,21 % et 56,06 % (Rappelons que La barre des 50 % a été atteint la première fois qu’en 2012 avec 52,54 %). Contrairement aux idées de baisse de niveau, ces résultats démontrent plutôt une amélioration des performances scolaires. Les recherches en matière d’éducation indiquent que l’environnement familial, les facteurs liés à l’établissement scolaire, l’influence des pairs sont les importants déterminants des performances scolaires. La mobilisation des parents autour de l’école n’a jamais été aussi forte dans le passé que ces dernières décennies. Les cours de répétitions payants sont généralisés partout (et parfois même à partir du CP1), jusqu’en mars dernier où une note ministérielle (en date du 1er mars 2021), demandait aux enseignants de mettre fin à cette pratique dans les établissements scolaires. En plus les parents continuent par soutenir des cours à domicile pour leurs enfants. Les documents scolaires (livres de cours, anales et autres) sont aujourd’hui d’accès plus facile qu’avant. Les élèves euxmêmes ne sont-ils pas aujourd’hui plus intelligents que leurs ancêtres ? L’heure n’est plus à parler de baisse de niveau, mais de mutation de l’école. L’école nouvelle défini depuis 1975, doit former des individus « sains, équilibrés et épanouis dans toutes les dimensions ». Il est important que notre système éducatif suive l’évolution technologique de notre société et qu’il constitue un système dynamique au service du développement.
Kokoutsé BLEDJE










